Solution novatrice pour les cardiaques et autres malades du cancer ?
C’est le pari que se promettent de relever les responsables de Novamed, un nouveau groupe médical qui poursuit son déploiement à Abidjan et à l’intérieur de la Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, son directeur général, Sami Chabenne explique tout.
Monsieur le Directeur, à peine installé, votre groupe procède à des rachats de nombreuses cliniques sur Abidjan. Qu’est-ce qui explique ce mouvement ?
L’idée de l’investissement de Novamed, c’est d’améliorer l’offre de santé en Afrique de l’Ouest francophone, en général et en particulier, en Côte d’Ivoire. Nous avons constaté avant la constitution du groupe qu’il y avait une classe moyenne en pleine expansion, qu’il y avait une offre de santé insuffisante du point de vue qualitatif. L’offre s’est améliorée. Mais, quand on a démarré nos études, elle était de très faible qualité. Enfin, et surtout, on s’est rendu compte que les maladies dites longue durée, telles que le cancer, les complications cardiaques et autres, constituent en Europe une dépense qui représente plus de 50% à 60% des dépenses de santé. Ici, la dépense est très faible. Nous basant sur ce constat, nous estimons qu’il y a une opportunité de développer un ensemble de services de santé de meilleure qualité, aux standards internationaux, et qui répond à la demande des consommateurs ivoiriens de la classe moyenne.
Pourquoi avez-vous opté pour le rachat de cliniques déjà existantes au lieu de construire un grand établissement propre à vous ?
En fait, on a exploré les deux options. La première se décline en trois activités majeures que nous avons initiées à partir de rien. Il s’agit notamment de la construction d’un centre de diagnostic, situé à la rue Noguès d’Abidjan Plateau, qui est aujourd’hui, le plus grand centre de diagnostic existant en Côte d’Ivoire. Le groupe a également initié la construction d’un centre d’oncologie à côté de la polyclinique des Deux Plateaux. Enfin, le groupe a réaménagé la polyclinique de l’Indénié pour y ouvrir un centre de cardiologie. Concernant la deuxième option, il s’est agi de partir de choses qui existent, de les faire évoluer. Pour nous, il apparaissait plus intéressant, pour être plus pertinent et plus juste dans l’offre de santé, de partir de choses qui existent. On a déjà des équipes médicales, une connaissance du marché et des pathologies… Ce qui est de nature à nous permettre d’être plus pertinents dans la constitution de l’offre de santé et surtout d’être plus rapides. Sachez que pour construire de nouvelles cliniques, l’équivalent par exemple de 10 à 12 cliniques de notre réseau, il faut un minimum de 5 à 6 ans. Nous aurions donc été absents du paysage pendant 5, 6 ans. Au bout de ce processus, il aurait fallu aller chercher les mêmes médecins que ceux qui sont dans les cliniques existantes aujourd’hui. Vous noterez que c’est beaucoup plus pertinent de faire cela et complémenter nos acquisitions, par des spécialités qui n’existent pas sur lesquelles on va construire des choses nouvelles. Il s’agit notamment, comme je le disais, de la cardiologie, l’oncologie et le centre de diagnostic.
Comment procédez-vous, par un rachat total ou une entrée dans le capital de ces cliniques ?
Dans la grande majorité, c’est une entrée dans le capital. Ça dépend de la situation ou de ce que veulent les actionnaires. Mais, le schéma préféré du groupe, c’est celui de l’association avec les médecins, dans quasiment toutes nos cliniques. Nous privilégions un schéma de partenariat parce que la réussite d’un tel groupe ne peut se faire que dans la logique du partenariat.
En ciblant la classe moyenne, prenez-vous en compte la patientèle de l’intérieur du pays, vu que la plupart de vos établissements, sont concentrés à Abidjan ?
Nous sommes présents à San-Pedro, et à Bouaké. Nous envisageons d’autres présences. Même au niveau d’Abidjan, nous ne sommes pas présents que dans les quartiers dits « de classe supérieure » ou de « classe moyenne supérieure ». Nous venons d’acquérir par exemple, une clinique à Yopougon et nous sommes présents à Treichville. Donc, notre tendance est plutôt de couvrir le plus grand nombre.
Dans le domaine médical, des patients se familiarisent parfois à des médecins qui se démarquent et qui sont par conséquent très sollicités. Comment vous y prendrez-vous avec la démultiplication de vos bases si des cas similaires se présentaient ?
La bonne médecine ne se limite pas au seul bon médecin. Une bonne médecine, c’est un bon médecin, un bon plateau technique, un bon système de diagnostic, une bonne coopération entre les différentes entités. C’est cet idéal que nous poursuivons. C’est vrai qu’il y a des médecins exceptionnels, mais la bonne médecine, comme je le disais tantôt, ce n’est pas celle de médecins exceptionnels, mais celle d’un bon médecin avec un bon plateau technique, un bon process, une bonne gestion, etc… Vous pouvez avoir le meilleur chirurgien du monde, si les accompagnants ne sont pas bons, vous aurez toujours une qualité qui laisse à désirer. C’est toujours le maillon le plus faible dans la chaîne qui détermine la qualité. Nous essayons de couvrir l’ensemble des maillons pour être sûrs d’avoir une bonne qualité.
En même temps que vous effectuez des investissements pour vous déployer, vous ouvrez le capital du groupe. Comment expliquer cette politique ?
Toutes les entreprises fonctionnent ainsi. Nous avons un plan, et l’ambition est grande, forte. Aujourd’hui, nous sommes présents dans deux pays, nous voulons être présents dans 5 à 10 pays dans les années qui viennent. Nous voulons couvrir de plus en plus de spécialités, améliorer nos cliniques. Donc, on fonctionne par phase. Il y a une première phase majeure qui est terminée. Il s’agit de la constitution du groupe. Aujourd’hui, on couvre la totalité de la ville d’Abidjan, les principales villes de l’intérieur de la Côte d’Ivoire et une ville à l’étranger qui est Ouagadougou. On a mis en place notre dispositif. On a lancé les trois gros investissements que sont la cardiologie, l’oncologie et le centre de diagnostics. Donc, nous avons atteint une première phase de notre développement. Aujourd’hui, on est en train de nous faire accompagner pour aller dans une 2ème grande phase de notre développement qui est la croissance à l’étranger. Il n’y aura pas que ces deux phases. Il y aura une 3ème, une 4ème phase… C’est un travail de longue haleine, car le groupe ambitionne de croître régulièrement, de ne pas s’arrêter à sa croissance actuelle.
Les patients déjà reçus au Centre de cardiologie ouvert à l’Indénié.
Pourquoi avoir porté votre choix sur la Côte d’Ivoire pour y ouvrir des centres dédiés au traitement de pathologies telles que le cancer, les affections cardiaques …
Nous avons sélectionné la Côte d’Ivoire pour plusieurs raisons. En particulier, en raison de la présence de beaucoup de médecins d’un niveau de compétence supérieur aux autres pays, et d’un historique. Dans la région, la Côte d’Ivoire jouera le rôle de hub et les autres pays vont s’accrocher à elle. Quand ces pays deviendront plus compétitifs, on y ouvrira d’autres centres spécialisés.
Pourquoi avez-vous focalisé vos activités sur les segments de la cardiologie et de l’oncologie ? Des études révèlent-elles des prédispositions, à cet effet ?
Absolument ! Il y a énormément de problèmes, et surtout beaucoup de patients qui ne sont pas traités. Les traitements sont très coûteux si vous partez à l’étranger. Donc, clairement il y a un intérêt à faire les traitements en Côte d’Ivoire.
Justement, avez-vous un tarif adapté à cette cible qui a difficilement auxdits soins ?
Nos tarifs ont été étudiés. Je puis vous rassurer d’ores et déjà, qu’ils seront nettement inférieurs à ceux pratiqués en Europe et en Afrique du nord. Pour vous donner une idée, nos tarifs seront dans l’ordre de moins de 20% du prix des prestations appliqué dans ces pays. En plus, on va permettre aux patients de se faire soigner sans frais de voyage et autres coûts supplémentaires. Nous savons par exemple que les malades n’ont tous pas les moyens de partir à l’étranger. C’est pour cela que dans notre logique, nous avons deux objectifs : d’abord réduire les évacuations sanitaires, et ensuite permettre aux patients qui n’ont pas les moyens de se faire évacuer, de se faire traiter sur place. Donc, on va sauver des centaines de milliers de vies en danger, parce que les malades pourront se faire soigner localement et n’auront pas besoin de voyager pour se faire traiter. Voyez-vous, quand quelqu’un a le cancer, il dépense une fortune pour aller se faire soigner à l’étranger, pour couvrir des frais de voyage et autres. Mais, au retour, le traitement n’a pas de valeur s’il n’y a pas de suivi. Il faut repartir plusieurs fois pour faire le suivi, et on s’épuise. Sur place, nous proposons un traitement qui est beaucoup moins coûteux, et un suivi beaucoup plus efficace. Le suivi a un rôle primordial dans le processus de guérison. Par exemple, avec le Burkina et demain dans d’autres pays, on accueille les malades, on pose le diagnostic sur place. On administre le traitement, et on les renvoie chez eux pour le suivi. Donc, on offre le meilleur du traitement global, c’est -à-dire »diagnostic, traitement et suivi » à moindre coût, au plus grand nombre. C’est cela notre leitmotiv.
Avez-vous la capacité d’accueillir un flux de malades venant de la sous-région ?
Je vous ai dit Phase 1, phase 2, phase 3, phase 4… Nous sommes équipés d’un grand système de traitement du cancer. Dès que les volumes sont atteints, on peut augmenter la capacité du centre immédiatement. Dès qu’on augmente la capacité du deuxième, on entame la construction du troisième. Donc, on initie la chose, on la maîtrise, parce qu’il faut faire de la qualité. Il s’agit de la vie des patients, et on forme plus de praticiens pour être capable de faire de l’extension et du développement. C’est cela la logique.
Comment se fait le recrutement de vos spécialistes ? Sur place ou à l’étranger ?
Oui, il y en a qui viennent de l’étranger, et il y a des locaux que nous formons depuis plus d’un an. Donc, il y a du local qui est reformé. D’autres sont recrutés dans la sous-région et d’Europe…. dans la logique d’amélioration de l’offre et du maintien de la qualité médicale.
A quand le démarrage de toutes ces prestations ?
On va avoir trois grandes annonces bientôt. Il s’agit de l’ouverture du Centre de cardiologie qui a commencé timidement sur la phase de consultation, mais qui va faire de la cardiologie interventionnelle à l’Indénié, l’ouverture du Centre de diagnostic et l’arrivée de nouveaux investisseurs pour la phase 2. Tout cela se prépare actuellement.
Dans le domaine de la Santé, est-il permis, pour un même groupe comme le vôtre de se déployer çà et là, en Côte d’Ivoire, au Burkina et ailleurs ?
Il y a beaucoup de valeurs et d’intérêt à être un groupe. Il y a beaucoup de synergies qui sont développées, beaucoup de choses mises en commun. Ce sont des capacités de nature à augmenter la qualité médicale, et puis après, nous sommes la seule région au monde où il n’y a pas de groupe médical. Ce n’est donc pas une question de groupes internationaux, mais une question de groupes locaux, un groupe sous-régional qui se développe avec des ressources de la sous-région. Il n’y a aucun problème avec la législation pour le faire.
Êtes-vous adossés à d’autres groupes ?
Il y a pas mal de coopérations à distance, notamment avec le Maroc, en ce qui concerne le cancer, la France en ce qui concerne la cardiologie et le Liban pour ce qui est du diagnostic. On a un système de lecture à distance de la radiologie avec des partenaires partout dans le monde pour des avis plus précis et techniques si nécessaire.
A peine installé, vous avez changé d’organisation. A quoi cela répond-il ?
Il n’y a pas eu de changement, mais un renforcement de l’organisation vu l’ampleur de la tâche qui nous attend. Donc, nous avons recruté un nouveau directeur général adjoint qui va apporter un soutien opérationnel aux cliniques, en plus de ce qui existe déjà.
Quelle collaboration avez-vous avec les assurances ?
Nous les avons toutes invitées à avoir un dialogue avec nous, et même à être des observateurs dans notre Conseil d’administration. Il y a une vraie relation de confiance qui existe entre les assurances et nous. La santé, c’est une chaîne complexe, et c’est une fois qu’on maîtrise la totalité de cette chaîne qu’on est efficient et efficace. On veut créer de nouveaux produits, on veut travailler avec les assurances sur ces produits spécifiques pour permettre d’augmenter le nombre d’assurés et développer davantage le groupe. Ça nécessite une vraie relation de complicité avec les assurances. Nous sommes dans cette dynamique.
Entretien réalisé par F.D.BONY